Communiqué du 4 février 2020

Pas de renvois brutaux en Italie pour les personnes vulnérables

Un important recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) concernant un renvoi Dublin en Italie a été gagné en décembre dernier par le Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE) de l’EPER. Dans un contexte de dégradation des conditions d’accueil des personnes requérantes en Italie, cet arrêt de principe décisif est applicable à toute personne requérante d’asile se trouvant dans une situation de vulnérabilité et risquant un renvoi en Italie.

Le 17 décembre 2019, le SAJE a gagné un recours important auprès du TAF concernant un renvoi Dublin en Italie d’une femme en situation de vulnérabilité et de ses enfants (arrêt E-962/2019 du TAF). Cet arrêt demande clairement que pour une personne requérante d’asile souffrant d’une maladie somatique ou psychique grave ou chronique et dont le traitement médical ne peut être interrompu, des garanties individuelles et détaillées sur la prise en charge de la personne à son retour en Italie soient fournies aux autorités suisses. Le document précisera notamment le lieu d’hébergement pour toute la famille et la prise en charge médicale concrète de la personne. « La protection des personnes requérantes d’asile vulnérables est améliorée par cet arrêt de principe. Il présente de manière plus précise les conditions juridiques à respecter par l’autorité avant d’ordonner un renvoi en Italie, explique Chloé Ofodu, responsable du SAJE. N’importe quel juriste en Suisse pourra désormais s’y référer pour défendre des personnes qui ont besoin d’une protection particulière. » Suite à cet arrêt, le SAJE vient d’ailleurs de recevoir une décision du TAF F-1154/2019 admettant son recours pour une famille éthiopienne qui devait être renvoyée en Italie et ordonnant au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) d’obtenir des garanties individuelles de logement et d’accès aux soins de la part de l’Italie. Dans le cas contraire, la Suisse ne pourra pas renvoyer cette famille.

Recours du SAJE au TAF

Jurisprudence de l’arrêt Tarakhel étendue

Sur les plus de 700 dossiers que traite le SAJE dans le canton de Vaud, 132 ont fait l’objet d’un recours au TAF. Les quelques recours spécifiques contre les renvois en Italie font suite aux nombreux rapports d’ONG et témoignages de personnes renvoyées en Italie qui n’ont pas été réintégrées dans un centre d’accueil et qui se sont retrouvées à la rue, sans aucune aide sociale, nourriture ou soins médicaux, exposées à la violence et à la précarité. Ces carences avaient déjà permis au SAJE de gagner un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2014 pour empêcher le renvoi en Italie d’une famille – arrêt Tarakhel. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que la Suisse ne pouvait pas renvoyer cette famille sans obtenir au préalable des garanties concernant un hébergement adéquat, l’absence de séparation de la famille et un accès aux soins.  

Depuis 2014, les renvois en Italie se sont faits sur la base de garanties individuelles renvoyant à des circulaires générales sur le nombre d’appartements vacants pour les familles. En novembre 2018, l’Italie a adopté le « décret Salvini » qui a eu pour conséquence de dégrader fortement le système d’accueil des personnes requérantes d’asile au niveau de l’hébergement et de l’accès aux soins, notamment pour les personnes transférées selon le règlement Dublin. C’est pourquoi, dans ce contexte de dégradation majeure des conditions d’accueil, le nouvel arrêt du TAF E-962/2019 a étendu la jurisprudence de l’arrêt Tarakhel (concernant uniquement les familles) aux personnes souffrant de maladie grave ou chronique et dont le traitement ne peut pas être interrompu. Le Tribunal a également jugé que le renvoi à une circulaire générale n’était plus suffisant et que les garanties devaient être individualisées et précises.

En 2019, les Bureaux de consultation juridique de l’EPER en Suisse ont organisé 11 700 consultations auprès de personnes requérantes d’asile. Plus de 2000 cas ont fait l’objet d’une représentation juridique et 346 affaires ont été portées devant le Tribunal administratif fédéral.

 

Possibilité d’interview : Chloé Ofudu, responsable du SAJE
Lien vers d’autres arrêts de principe émanant du SAJE :  : https://www.eper.ch/le-plaidoyer-de-leper

Joëlle Herren
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ÉCLAIRAGE

Distinction entre une décision/un arrêt et un arrêt de principe/la jurisprudence

En matière d’asile, la décision d’asile est l’acte par lequel le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) octroie l’asile ou une admission provisoire (livret F) ou au contraire rejette la demande de protection et prononce le renvoi de Suisse de la personne. Un arrêt est l’acte par lequel le Tribunal accepte ou rejette le recours formé par une personne contre une décision négative.

Un arrêt de principe est un arrêt rendu par au moins trois juges, mais souvent cinq juges, qui a vocation à s’appliquer à plusieurs situations similaires et à régler une question qui est souvent portée devant le Tribunal. Le but d’un arrêt de principe est de donner une réponse identique à toutes les personnes se retrouvant dans une même situation (principe d’égalité de traitement). La jurisprudence est l’ensemble des arrêts d’un tribunal. Lorsqu’un arrêt fait jurisprudence, cela signifie que les autres juges doivent suivre le raisonnement de cet arrêt lorsqu’ils jugent une situation similaire.

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